Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/360

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cause, a voulu suivre l’exemple de Dieu qui se range toujours du parti le plus juste. Certes l’heureux succès de nos armes a bien fait voir et l’excellence de son choix, et la justice de notre cause ; et notre État, agrandi sous son Ministère, a bien témoigné qu’en sa faveur le Ciel avoit fait sa querelle de la nôtre. Aussi presque tous ceux qui ont demandé sa sortie, se sont depuis trouvés pensionnaires des ennemis de cette Couronne, et la gloire des belles actions de notre grand Cardinal, qui multiplie ses rayons, a bien fait voir que son éclat leur faisant mal aux yeux, ils ont imité les Loups de la fable, qui promettoient aux brebis de les laisser en paix, pourvu qu’elles éloignassent le chien de leur bergerie.

Enfin ces réformateurs d’État, qui couvrent leurs noirs desseins sous le masque du bien public, n’ont autre chose à rechanter, sinon que Monsieur le Cardinal est Italien. Oui, mais de quoi se peuvent-ils plaindre ? il n’avance que des François, et ceux dont la grandeur ne sauroit faire d’ombre. Il n’a fait aucune créature ; et nous voyons à la Cour trente Seigneurs Italiens de fort grande maison, dont les uns, attirés par la proximité du sang avec lui, les autres par sa renommée, sont ici depuis dix ans à se morfondre, d’autant qu’il ne les a pas jugés utiles au service du Roi. Cependant quelque sagesse qu’il emploie à la conduite du Gouvernement, elle déplaît à nos politiques Bourgeois ; ils décrient son Ministère. Mais ce n’est pas d’aujourd’hui que les malheureux imputent à la bonne fortune des autres, les mauvais offices de la leur. Dans le chagrin qui les ronge, ils se plaindroient de n’avoir pas de quoi se plaindre ; parce que son Eminence n’a point fait de créatures, ils l’appellent ingrat ; s’il en eût fait, ils l’auroient accusé d’ambition. À cause qu’il a poussé nos Frontières en Italie, il est traître à son Pays ; et s’il n’eût point porté nos armes de ce côté-là, il se