Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/82

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asile, la mort de son frère l’abbé de Laval, qu’il aimait avec la dernière tendresse, et dont la tête venait de tomber sous la hache révolutionnaire. Cette horrible nouvelle fut pour Mathieu un coup de foudre ; peu s’en fallut que le désespoir n’altérât sa raison. Dans sa douleur, il s’accusait de la mort de ce frère victime de la révolution, dont lui, Mathieu de Montmorency, avait embrassé les doctrines. Les remords eurent chez lui l’intensité que tous les sentiments prenaient dans cette nature passionnée.

L’amitié de Mme de Staël, sa sympathie délicate, son ingénieuse bonté, s’employèrent à calmer les angoisses de ce cœur déchiré ; elle parvint à les adoucir : mais ce fut la religion qui seule y fit entrer la paix. À partir de ce jour, cet impétueux, ce séduisant, ce frivole jeune homme devint un austère et fervent chrétien.

Quand Mathieu de Montmorency fut amené chez Mme Récamier, il avait trente-sept à trente-huit ans ; sa belle et noble figure portait encore la trace des chagrins et des luttes intérieures : je me représente aisément, parce que je l’ai connu douze ou quinze ans plus tard, ce qu’il devait être à cet âge. M. de Montmorency était grand, moins élancé que son cousin, blond comme lui, et quand il devint chauve, ce qui lui arriva d’assez bonne heure, sa soyeuse chevelure forma une couronne et comme une auréole