Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/83

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à cette tête mâle et régulière. Il avait les plus nobles et les plus élégantes manières, sa politesse était parfaite, et tenait, avec une bienveillance un peu hautaine, les gens fort à distance. Naturellement emporté, on sentait que le calme et la sérénité, devenus habituels chez lui, n’y étaient qu’un effort de vertu. Sa charité était sans bornes. Des passions qu’il avait domptées, il restait à cette âme très-tendre une vivacité dans l’amitié, qui rendait son commerce singulièrement attachant. Catholique profondément convaincu, il eut pour Mme de Staël, malgré la différence des communions auxquelles ils appartenaient, une affection profonde, intime, et une compassion tendre pour des faiblesses qu’il n’ignorait pas et dont il espérait toujours l’aider à triompher.

Je ne sais si on pouvait dire de Mathieu de Montmorency qu’il était ce qu’on est convenu d’appeler un homme d’esprit : il avait assurément l’âme plus haute et plus grande que son esprit n’était étendu ; mais il y avait dans ses jugements, dans ses sentiments, dans son langage, une délicatesse et une distinction rares. Le souvenir des entraînements de sa jeunesse tempérait sa sévérité, et l’austérité de la vie qu’il s’était imposée depuis sa conversion ajoutait par le respect à l’autorité qu’il prenait facilement sur tout ce qui l’approchait. La plus complète sympathie ne pouvait manquer de s’établir entre