Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/87

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tous ces petits détails involontaires dont aucun ne m’échappe. Rien, rien qui me rassure, rien qui me satisfasse. Ah ! je ne saurais vous le dissimuler : j’emporte un profond sentiment de tristesse. Je frémis de tout ce que vous êtes menacée de perdre en vrai bonheur, et moi en amitié. Dieu et vous me défendez de me décourager tout à fait ; j’obéirai. Je le prierai sans cesse ; lui seul peut dessiller vos yeux et vous faire sentir qu’un cœur qui l’aime véritablement n’est pas si vide que vous semblez le penser. Lui seul peut aussi vous inspirer un véritable attrait, non de quelques instants, mais constant et soutenu pour des œuvres et des occupations qui seraient en effet bien appropriées à la bonté de votre cœur, et qui rempliraient d’une manière douce et utile beaucoup de vos moments. Ce n’est point en plaisantant que je vous ai parlé de m’aider dans mon travail sur les sœurs de charité. Rien ne me serait plus agréable et plus précieux. Cela répandrait sur mon travail un charme particulier qui vaincrait ma paresse, et m’y donnerait un nouvel intérêt.

« Faites tout ce qu’il y a de bon, d’aimable ; ce qui ne brise pas le cœur, ce qui ne laisse jamais aucun regret. Mais, au nom de Dieu, au nom de l’amitié, renoncez à ce qui est indigne de vous, à ce qui, quoi que vous fassiez, ne vous rendrait pas heureuse. »