Page:D'Hervey de Saint-Denys - Les Rêves et les moyens de les diriger, 1867.djvu/38

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formes et de la boutique rêvée, je ne vis rien, absolument rien qui s’en rapprochât. En vain je parcourus méthodiquement tous les quartiers marchands de cette ville coquette ; il fallut reconnaître l’inutilité de mes recherches et me résigner à y renoncer. À dire vrai, j’aurais été plus effrayé qu’enchanté d’une réussite inespérée, qui m’eût jeté nécessairement dans les régions de la fantaisie et du merveilleux. Je savais désormais que je n’avais à faire qu’à un phénomène psychologique probablement explicable ; et, sans prévoir s’il me serait jamais donné d’en saisir l’explication précise, je reprenais avec plus de calme l’analyse consciencieuse des phénomènes accessibles à l’investigation humaine.

Plusieurs années s’écoulèrent. J’avais presque oublié cet épisode de mes préoccupations d’adolescent, lorsque je fus appelé à parcourir diverses parties de l’Allemagne, où j’étais allé déjà durant mes plus jeunes ans. Je me trouvais donc à Francfort, fumant tranquillement une cigarette après mon déjeuner, marchant devant moi sans m’être tracé aucun itinéraire. J’entrai dans la rue Judengasse, et tout un ensemble d’indéfinissables réminiscences commença vaguement à s’emparer de mon esprit. Je m’efforçais de découvrir la cause de cette impression singulière ; tout à coup je me rappelai le but de mes inutiles promenades