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Page:D'Isle - Deux cœurs dévoués, 1875.djvu/201

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DEUX CŒURS DÉVOUÉS.

sautant joyeusement, et lécha avec ardeur ses mains et son visage.

C’était Moricaud ! Moricaud qui, voyant son jeune maître parti, l’avait en vain cherché dans toute la ferme, était remonté assez haut sur la route de Lussan, et qui, revenant la queue pendante, avait flairé sa trace sur la route de Paris. Oubliant moutons, brebis et le reste, il était accouru pour le rejoindre ; la nuit, il s’était endormi de fatigue à une porte du village où reposait Louis et l’avait enfin rattrapé le matin.

« C’est toi, mon pauvre Moricaud ! s’écria l’enfant heureux de revoir son ami, tu ne sais pas ce que tu as fait, mon camarade : tu vas avoir à marcher, et je ne t’aurais jamais fait venir ; mais reste, puisque te voilà, je suis content tout de même de ta compagnie. »

Quoique Louis fût pressé et qu’il se raidît contre la fatigue, il avait de bien petites jambes pour un si long voyage ; il mit six jours à le faire sur une terre glacée, couchant dans des granges ouvertes à tous vents et quand il traversait de grandes villes, dormant sous le porche d’une église ou sur un banc de pierre, à la porte d’une maison, s’enveloppant avec Moricaud dans son vieux manteau, partageant avec lui son pain noir et épargnant autant qu’il pouvait son peu d’argent.