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d’entre elles comptaient déjà leurs intrigues à la douzaine, tandis que d’autres faisaient remonter à plusieurs lustres leurs fiançailles apparemment platoniques.

Ayant soupiré sur ces mélancoliques pensées, Raoul Thérien, qui n’en continuait pas moins d’aimer Marguerite Nadeau — sinon il l’eut oubliée, — allait quitter le tronc d’arbre sur lequel il était assis, lorsque, tout proche, un bruissement caractéristique lui fit relever la tête.

À deux pas de l’ingénieur, qui en croyait à peine ses yeux, Mlle  Nadeau en personne se tenait debout.

Le hasard, capricieuse boussole des passionnels remuants, venait de conduire la belle caissière devant son ancien amoureux. Un moment elle l’avait épié, puis, lasse de son immobilité de héron à l’affût, elle avait volontairement brisé une branche de sumac fleuri. L’effet attendu s’était instantanément produit. Mû comme par un ressort, maintenant, Raoul Thérien regardait le bourreau de son cœur.

La première pensée de l’ingénieur, après avoir reconnu l’élégante promeneuse qui lui souriait, avait été de s’éloigner, d’éviter un entretien qui, d’avance, chavirait la lucidité de son esprit. Cependant, une sorte d’impulsion contraire, irrésistible, violenta sa volition, il se soumit à la fatalité, tout autant qu’aux