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C’ÉTAIT par une belle après-midi d’août, tiède comme une journée de printemps. De son hamac, à demi cachée par la vigne vierge de la véranda, rêveuse, Mlle Agnès Duprat regardait le vol des hirondelles, et, sur la rivière calme, les embardées des yoles du voisinage.

Depuis une semaine qu’elle était arrivée à Beauséjour, après une longue vacance passée aux bains de mer, pour la première fois, la jeune fille se livrait à une solitaire contemplation des lieux qu’elle aimait.

Beauséjour, résidence d’été du banquier Onésime Duprat, portait on ne peut mieux le nom que lui avait donné son propriétaire. La maison, sise au bord de l’eau sur la rive droite de la rivière Jésus, à quelques arpents en amont du pont de Ste-Rose, tenait de la villa et du château. Un parc superbe l’abritait du côté du nord.

La quiétude de cette riante campagne, succédant à l’animation d’une plage fashionable, était un lénitif au moral romanesque de Mlle Duprat, qui, lorsque nous la présentons au lecteur, évoquait le passé, s’efforçait de pénétrer l’avenir. Avenir qu’elle pouvait contribuer à rendre brillant, étant données son enviable position sociale, et sa qualité de fille unique élevée à l’américaine.

Orpheline de mère dès l’âge de raison, la brune et jolie montréalaise se rappelait comme de la veille sa sortie du couvent, son installation définitive sous le toit paternel.