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De suite, et avec tact, elle avait assumé le rôle ingrat de maîtresse de maison, qui lui revenait ; tellement absorbée par ses nouveaux devoirs, que près de deux ans s’étaient écoulés sans qu’elle y prît garde.

Ses débuts dans le monde, sous l’égide de sa tante Victoire, maman gâteau d’une ribambelle de charmantes cousines et d’aimables cousins, dataient du dernier hiver. Déjà cet événement lui paraissait très ancien.

Des soirées dansantes, des « euchre parties », des fêtes de charité, auxquelles son père l’avait conduite, Agnès Duprat conservait un souvenir plutôt flou, conséquence de l’indifférence qui, sous les torchères électriques, l’avait parfois fait bâiller d’ennui à l’abri de son éventail.

Car, sans être ennemie des mondanités, la riche héritière de Beauséjour leur préférait la vie paisible de famille, les horizons champêtres.

Rien, sous un ciel lumineux, ne lui plaisait autant que de se recueillir devant la nature assoupie. Aussi, des heures durant contemplait-elle le splendide panorama qu’elle trouvait à Ste-Rose, sa villégiature de prédilection. Chaque bruit, chaque couleur du paysage, lui procurait alors des sensations qu’elle savourait en dilettante.