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Page:D'Ornano - Le choix d'Agnès - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 11 août 1906.djvu/8

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lidor Blanché et Anatole Fortin, deux rivaux, également disposés à posséder Beauséjour, par contrat dotal s’entend. Pendant que ces « gentlemen » causaient amicalement, bien qu’ils se détestassent, les occupants de la chaloupe revenaient de leur courte expédition.

Assise à l’avant de l’embarcation, Mlle Duprat pensait aux deux citadins qu’elle apercevait nonchalamment accoudés au garde-fou du petit quai. À côté d’elle, ses amies cueillaient des fleurs de nénuphars ; essoufflé, leur père ramait, continuant de mâchonner un cigare éteint.

Fréquemment, Mlle Alphonsine Latulipe se retournait du côté du blond M. Philidor Blanché, sans chercher le moins du monde à voiler l’éclat révélateur de son regard. Il n’en fallut pas davantage pour que Mlle Duprat comprît le roman qu’ébauchait l’aînée des Latulipe. Certes, elles n’en était pas jalouse.

Comme un enfant s’appliquant à éventrer des chevaux de carton, pour savoir ce qu’ils ont dans le corps, froidement, la sceptique jeune fille analysait l’état d’âme des coureurs de dot qu’elle connaissait. À ce jeu de femme riche, belle, désirée, elle s’arrêtait à peine aux particularités du physique.

Philidor Blanché : un blasé de trente ans, se répétait-elle, sur le compte de qui maints cancans étaient trop bien formulés pour qu’ils fussent sans fondement. Pour lui, une fem-