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MÉMOIRES D’UN PAYSAN BAS-BRETON

notre commandant nous avait donné dix jours au lieu de huit ; il avait calculé le temps qu’il fallait pour ce voyage : juste huit jours, quatre pour aller et quatre pour revenir. Avec huit jours de permission, nous n’aurions pu nous arrêter nulle part.

Nous débarquâmes à Jaffa, où l’on trouvait toutes sortes de moyens de transport pour aller à Jérusalem, des chameaux, des mulets, des ânes, des chevaux et des voitures dont on pouvait attacher les chevaux des deux bouts.

Avant de partir pour Jérusalem, j’éprouve le besoin de faire ici une observation. Je ne cite pas et ne puis guère citer ici de noms propres ni de dates exactes. Nous avons, on le sait, dans nos cerveaux humains, plusieurs sortes de mémoires : il y en a qui gardent presque tout, d’autres presque rien ; il y en a qui retiennent les légendes, les contes ; d’autres retiennent mieux l’histoire ; d’autres des noms, des dates, des chiffres. Moi, si j’ai eu la mémoire pour retenir les histoires, les mythologies et certaines notions scientifiques, elle a été absolument rebelle à retenir les noms propres et les dates ; aussi, il m’arrive très souvent d’être embarrassé de mettre l’orthographe d’un nom quelconque, après l’avoir écrit plus de cent fois. Je me vois donc obligé d’omettre certains noms propres, de peur de me tromper de nom, de lieu et de date, ne possédant aucun document pour m’éclairer[1]. Je sais bien, cependant, que nous sommes ici au commencement d’avril 1856.


XI

JÉRUSALEM


Moins d’une demi-heure après le débarquement à Jaffa, nous trottions sur la route de Jérusalem, cahotés dans cette voiture d’un genre tout particulier. De route, je ne sais pas s’il y en avait : je n’en voyais guère ; nous étions du reste aveuglés par la poussière et les rayons du soleil. J’entrevoyais cependant

  1. Notre auteur, en effet, écrit constamment Beyrouth pour Jaffa.