Page:Déjacque - À bas les chefs !.djvu/9

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lancé sur la propriété ou sur la famille ou sur quoi que ce soit, les uns le trouveront trop radical, les autres pas assez. Mille poignards, pour lors, se lèveront mille fois par jour contre le forçat dictatorial. Il n’aurait pas deux minutes à vivre celui qui accepterait un pareil rôle. Mais il ne l’acceptera pas sérieusement, il aura sa coterie, tous les hommes de curée qui se serreront autour de lui, et lui feront un bataillon sacré de valets pour avoir les restes de son autorité, les miettes du pouvoir. Alors il pourra peut-être bien ordonner au nom du peuple, je ne dis pas le contraire, mais, à coup sûr, contre le peuple. Il fera fusiller ou déporter tout ce qui aura des velléités libertaires. Comme Charlemagne, ou je ne sais plus quel roi, qui mesurait les hommes à la hauteur de son épée, il fera décapiter toutes les intelligences qui dépasseront son niveau, il proscrira tous les progrès qui tendront plus loin que lui. Il fera comme tous les hommes de salut public, comme les politiques de 93, émules des jésuites de l’Inquisition, il propagera l’abêtissement général, il anéantira l’initiative particulière, il fera la nuit sur le jour naissant, les ténèbres sur l’idée sociale, il nous replongera, mort ou vif, dans le charnier de la civilisation, il fera du peuple, au lieu d’une autonomie intellectuelle et morale, une automatie de chair et d’os, un corps de brutes. Car, pour un dictateur politique comme pour un directeur Jésuite, ce qu’il y a de meilleur dans l’homme, ce qu’il y a de bon, c’est le cadavre !… D’autres, dans leur rêve de dictature, diffèrent quelque peu de ceux-ci, en ce sens qu’ils ne veulent pas de la dictature d’un seul, d’un Samson uni-tête, mais à mille ou à cent mâchoires de baudet, de la dictature des petites merveilles du prolétariat, réputées par elles intelligentes parce qu’elles ont débité un jour ou l’autre quelques banalités en prose ou en vers, qu’elles ont barbouillé leurs noms sur les listes du scrutin ou sur les registres de quelque petite chapelle politico-révolutionnaire ; la dictature enfin des têtes et des bras à poils pour faire concurrence aux Ratapoils et avec mission, comme de juste, d’exterminer les aristocrates ou les philistins. Ils pensent comme les premiers, que le mal n’est pas tant dans les institutions liberticides que dans le choix des hommes tyranniques. Égalitaires de nom, ils sont pour les castes en principe. Et en mettant au pouvoir les ouvriers à la place des