se connaître. Égaux par l’éducation comme par la position sociale, frère et sœur en arts et en sciences, en études et en travaux professionnels, libres de leurs pas, de leurs gestes, de leurs paroles, de leurs regards, libres de leurs pensées comme de leurs actions, ils n’ont qu’à se chercher pour se trouver. Rien ne s’est opposé à leur rencontre, rien ne s’oppose à la pudeur de leurs premiers aveux, à la volupté de leurs premiers baisers. Ils s’aiment, non parce que telle est la volonté de pères et de mères, par intérêts de boutique ou par débauche génitale ou cérébrale, mais parce que la nature les a disposés l’un pour l’autre, qu’elle en a fait deux cœurs jumeaux, unis par un même courant de pensées, fluide sympathique qui répercute toutes leurs pulsations et met en communication leurs deux êtres.
Est-ce l’amour que l’amour des civilisés, l’amour à formes nues, l’amour public, l’amour légal ? C’en est la sauvagerie, quelque chose comme une grossière et brutale intuition. L’amour chez les harmonisés, l’amour artistement voilé, l’amour chaste et digne, bien que sensitif et passionnel, l’amour anarchique, voilà qui est humainement et naturellement l’amour, c’en est l’idéal réalisé, la scientification. Le premier est l’amour animal, celui-ci est l’amour hominal. L’un est obscénité et vénalité, sensation de la brute, sentiment de crétin ;