Page:Déjacque - L’Humanisphère, utopie anarchique.djvu/77

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vagues torrentielles, flots brûlants que les artères ne cessaient d’y précipiter par toutes leurs écluses. Et tandis que de la main droite j’essayais de contenir et d’apaiser les bouillonnements de mon front, de la main gauche j’essayais en vain de comprimer les pulsations accélérées de mon cœur. L’air n’arrivait plus à mes poumons. Je chancelais comme un homme ivre, en allant ouvrir la croisée de ma chambre. Je m’approchai de mon lit et me jetai dessus. — Vais-je donc perdre la vie ou la raison ? me disais-je. Et je me relevai, ne pouvant rester couché, et je me recouchai, ne pouvant rester debout. Il me semblait que ma tête allait éclater, et qu’on me tordait le sein avec des tenailles. J’étranglais : des muscles de fer me serraient à la gorge… Ah ! l’Idée est une amante qui dans ses fougueux embrassements vous mord jusqu’à vous faire crier, et ne vous laisse un moment, pantelant et épuisé, que pour vous préparer à de nouvelles et plus ardentes caresses. Pour lui faire la cour, il faut, si l’on n’est pas fort en science, être brave en intuition. Arrière ! dit-elle aux faquins et aux lâches, vous êtes des profanes ! Et elle les laisse se morfondre hors du sanctuaire. À cette langoureuse, superbe et passionnée maîtresse, il faut des hommes de salpêtre et de bronze pour amants. Qui sait combien de jours coûte chacun de ses baisers ! Une fois ce spasme apaisé,