Page:Déjacque - L’Humanisphère, utopie anarchique.djvu/79

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légal peuvent cheminer par les rues sans être marqués au front d’un fer rouge, et sans qu’on les traîne au bûcher, eux et leurs livres ; oh, va, une telle société, bien qu’elle soit officiellement l’ennemie des idées nouvelles, est bien près de passer à l’ennemi… Si elle n’a pas encore le sentiment de la moralité de l’Avenir, du moins n’a-t-elle plus le sentiment de la moralité du Passé. La société actuelle est comme une forteresse investie de toutes parts et qui a perdu toute communication avec le corps d’armée qui la protégeait et qui a été détruit. Elle sait qu’elle ne peut plus se ravitailler. Aussi ne se défend-elle plus que pour la forme. On peut calculer d’avance le jour de sa reddition. Sans aucun doute, il y aura encore des volées de coups de canon échangées ; mais quand elle aura épuisé ses dernières munitions, vidé ses arsenaux et ses greniers d’abondance, il faudra bien qu’elle amène pavillon. La vieille société n’ose plus se protéger, ou, si elle se protège, c’est avec une fureur qui témoigne de sa faiblesse. Les jeunes gens enthousiastes du beau peuvent être audacieux et voir le succès couronner leur audace. Les vieillards envieux et cruels échoueront toujours dans leurs caduques témérités. Il y a bien encore de nos jours, et plus que jamais, des prêtres pour religionner les âmes, comme il y a des juges pour tortionner les corps ; des soldats