Page:Déjacque - L’Humanisphère, utopie anarchique.djvu/80

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pour faire pâturer l’autorité, comme des patrons pour vivre aux dépens de l’ouvrier. Mais prêtres et juges, soldats et patrons n’ont plus foi dans leur sacerdoce. Il y a dans leur glorification publique d’eux-mêmes par eux-mêmes comme une arrière-pensée de honte à faire ce qu’ils font. Tous ces parvenus, ces porteurs de chasubles ou de simarres, de ceintures garnies de pièces d’or ou de lames d’acier, ne se sentent pas à l’aise entre le monde qui vient et le monde qui s’en va ; ils ont des inquiétudes dans les jambes, il semble qu’ils marchent sur des charbons ardents. Il est vrai qu’ils continuent toujours à officier, à condamner, à fusiller, à exploiter, mais, « dans leur for intérieur, ils ne sont pas bien sûrs de n’être pas des voleurs et des assassins !… » c’est-à-dire qu’ils n’osent pas tout à fait se l’avouer, de peur d’avoir trop peur. Ils comprennent vaguement qu’ils sont en rupture de ban, que la société civilisée est une société mal famée, et qu’un jour ou l’autre la Révolution peut opérer dans ce bouge une descente de justice. Le pas de l’avenir résonne sourdement sur le pavé de la rue. Trois coups frappés à la porte, trois coups de tocsin dans Paris, et c’en est fait de l’enjeu et des joueurs !

La Civilisation, cette fille de la Barbarie qui a la sauvagerie pour aïeule, la Civilisation, épuisée par dix-huit siècles de débauches, est