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Car les jeunes gens mal élevez, tombent ordinairement dans la feneantise ; de là vient qu’ils ne font que ribler[1] & battre le pavé, qu’on les voit attroupez par les carrefours, où ils ne s’entretiennent le plus souvent, que de discours dissolus, qu’ils deviennent indociles, libertins[2], joüeurs, blasphemateurs, querelleux ; s’adonnent à l’yvrognerie, à l’impureté, au larcin & brigandage, qu’ils deviennent enfin les plus depravez & factieux de l’État, duquel étant les membres corrompus, ils gâteroient le reste du corps, si le foüet des bourreaux, les galeres des Princes, les gibets de la Justice, n’enlevoient de terre ces serpens venimeux, qui infecteroient le monde par leurs venins & leurs dissolutions. Adeo à teneris assuescere malum est ?

C’est encore de ce défaut de bonne éducatiő que naît la difficulté qu’on a de trouver des serviteurs fideles, & des bons Ouvriers ; Que l’on voit tăt de feneans & vagabons par les rues, qui ne sçachans que boire & manger & mettre au monde des miserables, causent dans la Ville une fourmilliere de gueux, qui pourroient non seulement faire apprehender des desordres publics (telle sorte de gens étant ordinairement porté à la sedition, & capables de toutes les mauvaises entreprises) mais encore donner juste sujet de craindre, que le fond destiné pour la subsistance de l’Aumône generale de l’Hôtel-Dieu ne fût à la fin épuisé, Ce qui retomberoit à la Charge du Consulat, notamment pour l’Hôtel-Dieu, dont les Prevos des Marchans & Echevins sont les Recteurs primitifs.

Si la bonne instruction est si necessaire dans les pauvres garçons, elle ne l’est pas moins pour la gloire de Dieu & le bien public dans les Pauvres Filles ; Ce sexe ayant d’autant plus besoin d’être soûtenu par la vertu, que la foiblesse est grande, & que de leur bon commencement dépend leur fin heureuse. D’où croit on que viennent les desordres, & la jalousie dans les maisons, tant de lieux infames dans la Ville, tant d’enfans exposez dans l’Hôpital, tant de dissolutions publiques, si ce n’est qu’on n’a pas eu assez de soin de l’éducation des jeunes filles, qu’on les a laissées dans l’ignorance, & qu’ensuite elles sont tombées dans l’oisiveté, & puis dans le mensonge, l’indocilité, l’inconstance, & enfin dans la misere, qui est l’écueil le plus commun, où la pudeur de ce sexe fait ordinairement naufrage : Haec fuit iniquitas sodomæ, otium filiarum, ejus mendacium, furtum, adulterium inundaverunt, dit un Prophete.

On a trouvé le moyen de regler le Clergé, & les Cloîtres en établissant des Ecoles, qu’on appelle Seminaires & Noviciats : Il n’y a point aussi d’autre moyen de tarir la source de tant de desordres, & reformer Chrétiennement les Villes & les Provinces, qu’en établissant des petites Ecoles, pour l’instruction des enfans du Pauvre peuple, dans lesquelles, avec la crainte de Dieu, & les bonnes mœurs, on leur apprendroit à lire, écrire & chiffrer, par des Maîtres capables de leur enseigner ces choses, qui les mettroient heureusement en état de travailler en la pluspart des Arts & des Professions ; n’y en ayant aucune, où ces premieres connoissances ne servent d’un grand secours, & d’acheminement pour s’avancer dans les emplois les plus considerables.

  1. ribler : courir la nuit comme font les filous, cf. Furetière
  2. refusant de « s’assujettir aux loix » cf. Furetière