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PRÉLIMINAIRE.

l’excès de leur liberté et de leur souveraineté ; d’exercer sur eux un empire d autant plus absolu » que c’était l’empire du génie, et qu’en obéissant au génie qui parie et qui maîtrise, on croit n’obéir qu’à soi-même ; de fixer par son éloquence la légèreté d’un peuple volage ; de réprimer ses fougues ou d’exciter sa lenteur, selon qu’il le jugeait convenable ; enfin, de tourner seul du côté qu’il voulait, et comme il le voulait, toute une multitude, en faisant agir les grands ressorts, et, pour ainsi parler, les fortes machines de la persuasion ; car c’est surtout quand il faut déterminer une multitude, qu’on doit employer ces mouvemens rapides, ces figures véhémentes, seules capables de remuer un corps immense.

Dans une ville comme Athènes, constituée comme je viens de le dire, dont les habitans, d’ailleurs, étaient les plus spirituels de tous les Grecs, avaient le goût le plus fin, l’oreille la plus délicate (i)[1], on dut voir paraître un grand nombre de bons orateurs. Il en parut, en effet, une foule d’excellens, distingués tous par un caractère particulier, mais

  1. (i) Il ne faut pas juger du peuple d’Athènes, comme dans les antres états. Le peuple d’Athènes avait naturellement une pénétration, une vivacité, une délicatesse d’esprit même surprenante. On sait le fait de Théophraste ; il marchandait des légumes à une vieille femme : Non, étranger, lui dit-elle, vous ne les aurez point à meilleur marché. 11 fut surpris de se voir traiter d’étranger, lui qui avait

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