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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

choses, animé par l’espoir du succès, et supporter avec courage les disgrâces qui lui sont envoyées par les dieux.

C’est là le principe d’après lequel se conduisirent nos ancêtres, d’après lequel se sont conduits les plus âgés d’entre nous. Les Lacédémoniens[1] n’étaient pas vos amis sans doute ; quel bien vous avaient-ils fait ? vous en aviez éprouvé mille traitemens cruels : cependant, lorsque les Thébains, après la victoire de Leuctres, cherchaient à les détruire, vous vous y opposâtes, sans craindre la gloire et la puissance dont jouissait, pour-lors, la république de Thèbes, et sans penser à tous les maux que vous avaient fait souffrir ceux mêmes pour qui vous vous exposiez. Par-là vous apprîtes à tous les peuples de la Grèce, que, quelque offense qu’un d’eux ait pu vous faire, vous pourrez vous en venger dans toute autre occasion ; mais que, dès qu’il s’agira de leur salut ou de leur liberté, vous oublierez tout ressentiment pour les défendre contre la violence.

D’autres Grecs[2] trouvèrent en vous des protecteurs aussi magnanimes. Les mêmes Thébains s’étant emparés de l’Eubée, vous ne fermâtes pas les yeux sur cette usurpation ; vous secourûtes les Eubéens, malgré la juste colère qui vous animait contre Thémison et Théodore, au sujet d’Orope. Alors, pour la première fois, des citoyens zélés s’étaient portés d’eux-mêmes à subvenir aux frais

  1. Les Thébains, ayant à leur tête Épaminondas, avaient remporté à Leuctres, sur les Lacédémoniens, une victoire qui avait fort affaibli leur puissance ; sous la conduite du même chef, ils avaient fait une irruption dans la Laconie, qu’ils avaient ravagée ; ils avaient fait trembler Sparte elle-même. Les Lacédémoniens, ayant tout à craindre d’un ennemi qui devenait tous les jours plus fier et plus entreprenant, recoururent aux Athéniens, et députèrent vers ce peuple pour implorer son secours. Les Athéniens n’avaient pas oublié les mauvais traitemens qu’ils avaient reçus de Sparte en plus d’une occasion ; il fut résolu cependant qu’Athènes secourrait les Lacédémoniens de toutes ses forces.
  2. L’Eubée était divisée en deux factions, dont l’une avait réclamé le secours de Thèbes, et l’autre celui d’Athènes. Les Thébains d’abord ne rencontrèrent point d’obstacle, et firent sans peine triompher leur faction ; mais, à l’arrivée des Athéniens, tout changea de face. Ils repoussent les Thébains, les chassent, rétablissent le calme dans l’Eubée, et ne veulent d’autre fruit de leurs travaux que la gloire d’avoir, vaincu et pacifié. Ils avaient toutefois beaucoup à se plaindre de Thémison, tyran d’Érétrie, qui, de concert avec Théodore, leur avait enlevé Orope en pleine paix.