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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

que le punir : n’a-t-il commis aucun délit, ni fait aucune faute, mais, se livrant à ce que tout le monde jugeait nécessaire, a-t-il, avec tout le monde, manqué de réussir ? loin d’aggraver sa douleur par des reproches et des injures, on doit la partager. Ces règles ne sont point seulement fondées sur les lois ; elles sont établies par la nature même, et gravées de sa main dans le cœur de tous les hommes. Eschine donc l’emporte tellement sur tous en méchanceté et en cruauté, qu’il m’impute, comme des crimes, les événemens que lui-même représentait comme des coups de la fortune.

D’ailleurs, comme si tous ses discours ne respiraient que candeur et zèle pour la patrie, il vous avertit de vous défier de moi ; et, me donnant les noms d’imposteur, de fourbe, de sophiste, et autres semblables, il vous exhorte à prendre garde que je ne vous trompe et ne vous séduise : comme s’il suffisait de faire les premiers des reproches qui nous conviennent, pour que ces reproches soient fondés, et pour que ceux qui les entendent, n’examinent point d’où ils sont partis. Pour moi, je sais qu’Eschine vous est connu, et que vous le jugez plus digne qu’un autre des noms odieux qu’il me donne. Je sais aussi que mon éloquence (je passe le mot, quoique je n’ignore pas que notre réputation dépend, en grande partie, de la disposition de ceux qui nous écoutent, et qu’un orateur est considéré, selon que vous l’accueillez favora-