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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

blement, et que vous l’honorez de votre bienveillance) ; mais enfin, si j’ai quelque talent, on verra que je l’ai toujours exercé pour vous dans les affaires publiques, et jamais contre vous, même dans les causes particulières. Pour Eschine, toujours prêt à parler en faveur de vos ennemis, et contre tout citoyen avec lequel il a eu quelque démêlé, ou qui a eu le malheur de lui déplaire, il n’emploie son éloquence ni pour la justice, ni pour le bien général. Cependant un citoyen vertueux n’excite pas des hommes, qui viennent juger des causes importantes, à servir sa colère, sa haine, ses passions ; il ne monte jamais à la tribune conduit par de tels motifs ; mais, travaillant sur lui-même, il réprime les mouvemens de son cœur, et les modère du moins, s’il ne peut les étouffer. Dans quelles occasions un orateur-ministre doit-il donc se piquer de force et de véhémence ? C’est lorsque la patrie est exposée à de grands périls, ou que le peuple a de grands intérêts à discuter avec les ennemis. Voilà les occasions ; et c’est alors que le bon patriote signale son zèle. Mais, sans avoir jamais poursuivi aucun crime dans ma vie publique, j’ajouterai, ni dans ma vie privée, soit au nom de l’état, soit en mon nom propre, m’accuser aujourd’hui sur la proclamation d’une couronne, s’épuiser à ce sujet en longs discours, c’est annoncer la haine, la jalousie, la bassesse, tout ce qu’il y a de plus odieux ; tomber