Page:Démosthène - Œuvres complètes, Stiévenart, 1870.djvu/395

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[165] Sous l’Archonte Héropythos, à la vieille et nouvelle lune de Munychion, de l’avis du polémarque ;

Attendu que Philippe entreprend de nous aliéner les Thébains, et se prépare à marcher avec toutes ses troupes sur les postes les plus voisins de l’Attique, violant les traités qui le lient envers nous ;

Le Conseil et le Peuple arrêtent :

On enverra vers Philippe un héraut et des députés qui l’inviteront avec instance à conclure une trêve, pour que le Peuple ait le temps de délibérer ; car jusqu’à présent il n’a pas cru devoir opposer la moindre résistance.

Députés élus dans le Conseil, Néarque, fils de Sosinomos, Polycrate, fils d’Épiphron. Héraut choisi parmi le Peuple, Eunome d’Anaphlyste.

[166] Lis aussi les réponses.

Réponse aux Athéniens.

Le roi des Macédoniens, Philippe, au Conseil et au Peuple d’Athènes, joie !

Je n’ignore pas les dispositions où vous avez été dès le principe à notre égard, ni vos efforts pour attirer à vous les Thessaliens, les Thébains, et même les Béotiens (99). Plus sages que vous, fixés sur leurs intérêts, ils n’ont pas voulu soumettre leurs volontés aux vôtres ; aussi, par un changement soudain, vous m’envoyez des ambassadeurs, des hérauts, pour me rappeler les traités et me demander une trêve, à moi qui ne vous ai nullement attaqués ! J’ai néanmoins entendu vos députés, et je souscris à vos prières, prêt à vous accorder une trêve, à condition que vous bannirez vos donneurs de mauvais conseils, et que vous les flétrirez comme ils le méritent. Adieu.

[167] Réponse aux Thébains.

Le roi des Macédoniens, Philippe, au Conseil et au Peuple de Thèbes, joie !

J’ai reçu la lettre dans laquelle vous renouvelez entre nous l’union et la paix. J’apprends que les Athéniens vous font mille démonstrations d’amitié pour que vous répondiez à leur appel. Je vous blâmais d’abord, croyant que, séduits par leurs chimères, vous alliez embrasser ce parti. Convaincu aujourd’hui que vous cherchez à maintenir la paix avec nous, plutôt que de suivre les décisions d’autrui, j’en ressens de la joie, et je vous loue de beaucoup de choses, mais surtout d’avoir pris le parti le plus sûr, et de me garder votre affection. J’espère que vous n’en retirerez pas de médiocres avantages, si vous persévérez. Adieu.

[168] Après avoir semé la discorde entre les deux Républiques, fier de nos décrets et de ses réponses, Philippe s’avance avec ses troupes et s’empare d’Élatée, persuadé que désormais, quoi qu’il arrive, une ligue entre Athènes et Thèbes est impossible. Quel trouble se répandit alors dans la ville ! vous le savez tous : écoutez cependant quelques mots indispensables.

[169] C’était le soir (100) ; arrive un homme qui annonce aux prytanes qu’Élatée est prise. Ils soupaient : à l’instant ils se lèvent de table ; les uns chassent les marchands de leurs tentes dressées sur la place publique, et brûlent les baraques (101) ; les autres mandent les stratèges, appellent le trompette : toute la ville est remplie de tumulte. Le lendemain, au point du jour, les prytanes convoquent le Conseil dans son local ; vous allez à votre assemblée ; et, avant que le Conseil ait discuté, préparé un décret, tout le Peuple occupe les gradins supérieurs (102). [170] Bientôt entre le Conseil ; les prytanes répètent la nouvelle, introduisent le messager ; cet homme s’explique, et le héraut crie : Qui veut parler ? Personne ne se présente. Cet appel est réitéré : personne encore ! Là, cependant, se trouvaient tous les stratèges, tous les orateurs ! et la voix de la patrie demandait un avis pour la sauver ! car le héraut, prononçant les paroles dictées par la loi, est la voix de la patrie. [171] Toutefois, pour se présenter, que fallait-il ? vouloir le salut d’Athènes ? et vous et les autres citoyens, levés aussitôt, vous seriez accourus à la tribune ; tous, en effet, vous vouliez, je le sais, voir Athènes sauvée. Compter parmi les plus riches ? les Trois-Cents auraient parlé. Réunir zèle et richesse ? ceux-là se seraient levés qui, depuis, ont fait à l’État des dons considérables, résultat du patriotisme opulent. [172] Ah ! c’est qu’un tel jour, une telle crise, appelaient un citoyen non seulement riche et dévoué, mais qui eût encore suivi les affaires dès le principe, et raisonné avec justesse sur les motifs de la conduite de Philippe, sur ses desseins. Quiconque ne les eût point connus par une longue et attentive exploration, fût-il zélé, fût-il opulent, ne devait ni connaître le parti à prendre, ni avoir un conseil à donner.

[173] Eh bien ! l’homme de cette journée, ce fut moi : je montai à la tribune. Ce que je vous dis alors, écoutez-le attentivement pour deux raisons : d’abord, afin de vous convaincre que, seul entre les orateurs et les gouvernants, je n’ai point déserté pendant l’orage le poste du patriotisme, mais qu’au milieu de cette crise terrible, le but reconnu de mes discours, de mes décrets fut de vous sauver ; ensuite, parce que l’emploi de ce court instant vous éclairera beaucoup sur le reste de mon administration.

[174] Je disais donc : Ceux qui, croyant les Thébains amis de Philippe, s’alarment si vivement, ignorent, selon moi, l’état des choses. Je sais fermement que, s’il en était ainsi, nous apprendrions qu’il est, non dans Élatée, mais à nos frontières. Il ne s’avance que pour s’assurer de Thèbes, j’en suis certain. En voici la preuve. [175] Tous les Thébains qu’il lui a été donné de corrompre ou de tromper sont à ses ordres ; mais, pour ses anciens adversaires, qui lui résistent encore, il ne peut les ébranler. Que veut-il donc, et pourquoi a-t-il pris Élatée ? Par ses forces déployées de plus près, par ses armes ainsi rapprochées, il veut inspirer à ses partisans de la confiance et de l’audace ; il veut étonner ses 388 ennemis,