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profonde. Trompé, bafoué dans ses affections et ses amours, le chantre inspiré n’en reste pas moins seul. Mais alors, différent encore en cela du héros de Gautier,

Vers le ciel, où son œil voit un trône splendide,
Le poète serein lève des bras pieux ;


et, au lieu de la malédiction de tout à l’heure, nous avons ce cantique d’action de grâces :

Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés…

Malgré ces quelques divergences, Bénédiction doit beaucoup à Ténèbres. Et je crois qu’il faut rapporter dans une certaine mesure au lamento de Gautier l’idée primitive de l’hymne baudelairien.

À son tour, Baudelaire devait être imité par Mallarmé, avec autant de liberté, il est vrai, qu’il en avait pris lui-même vis-à-vis de Gautier. Le Guignon de Mallarmé n’est autre que le sombre cavalier-misère qui saute en croupe derrière le malchanceux, ce « mendieur d’azur ». D’autres se tordent en proie à de terribles souffrances. Mais ce ne sont pas là les plus infortunés. Ils ont un malheur à leur taille. Les vraies victimes, ce sont celles qui traînent sous le joug d’une infortune mesquine et persistante leurs grands cœurs saignants,

Égaux de Prométhée à qui manque un vautour.