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Petits poèmes en prose comme en un sûr asile. Sans doute, dans le Chien et le Flacon, l’animal apparaît comme « le mangeur de choses immondes » des Orientaux. Mais, comme pour réparer ce fâcheux prélude et ce long oubli, le dernier poème lui est consacré tout entier et, là, Baudelaire révèle pour lui une profonde dilection.

Non pas qu’il enveloppe toute la race canine dans la même tendresse. Non. Trop raffiné dans ses goûts, trop exigeant dans ses amitiés, le poète distingue. Et il commence par rejeter :

Le chien bellâtre, ce fat quadrupède, danois, king-charles, carlin ou gredin, turbulent comme un enfant, sot comme une lorette, quelquefois hargneux et insolent comme un domestique ; et surtout ces serpents à quatre pattes, frissonnants et désœuvrés qu’on nomme levrettes, et qui ne logent même pas dans leur museau pointu assez de flair pour suivre la piste d’un ami, ni dans leur tête aplatie assez d’intelligence pour jouer au domino.

Ceux qu’il chante, ce sont :

Les chiens calamiteux, soit ceux qui errent, solitaires, dans les ravines sinueuses des immenses villes, soit ceux qui ont dit à l’homme abandonné, avec des yeux clignotants et spirituels : « Prends-moi avec toi et de nos deux misères nous ferons peut-être une espèce de bonheur. »

Et il nous en montre quelques-uns : « chien crotté, chien pauvre, chien sans domicile, chien