Page:Désorgues - Voltaire, ou le Pouvoir de la philosophie, 1798.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(5)

Ses grottes, ses bosquets, sa large nappe d’eau,
Et l’onde qui serpente autour de son château.

Pour mieux voir ces beaux lieux je prolongeai ma route ;
Des vastes cieux soudain je vois noircir la voûte ;
Courrier de la tempête, un vent impétueux
Fend des épis courbés les flots tumultueux ;
Le sud retient son souffle, un effrayant nuage
Couvre de Villenos le riant paysage,
Descend sur la colline, et ses flancs épaissis
S’étendent pesamment sur les airs obscurcis ;
De sa vapeur brûlante il sèche la verdure,
Et déjà son repos fatigue la nature :
Il s’ouvre ; un ouragan dans les plaines de l’air
S’échappe avec la foudre et devance l’éclair ;
Tel qu’aux champs incertains de l’ardente Libye
En serpents tortueux il tourne, il se replie,
Il se roule en colonne, en tourbillons errants,
Ravit l’onde à la terre, et l’épanche en torrents.
Grands Dieux, où tenez-vous suspendus sur nos têtes
Ces dépôts destructeurs où couvent les tempêtes ?
Au bruit des aquilons, à leur mugissement
Se mêle dans l’orage un long gémissement.
Je frissonne…… trois fois j’entends la même plainte,
Trois fois sur mon coursier je chancelle de crainte ;
Enfin un tourbillon en roulant jusqu’à moi,
S’ouvre, éclate et s’enfuit emporté par l’effroi.

À mes yeux tout-à-coup s’offre un monstre sauvage,
Des êtres opposés effrayant assemblage,
Monstre aux oreilles d’âne, aigle, taureau, lion,
Aux nageoires de phoque, aux ailes de griffon ;