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Et qui, pressant le sable où l’effroi le retarde,
Vers l’orage grondant se retourne et regarde ;
Tel je tourne la vue, et d’un œil inquiet
J’observe en m’éloignant le monstre et la forêt.

Un vent frais aussitôt ranime la nature ;
Dans l’air plus calme Iris déroule sa ceinture,
Parfume l’horizon, et peint de tous ses feux
Un nuage odorant, voile argenté des cieux.
Celliere à mes regards montre ses verts bocages,
Et son temple gothique, et ses frais paysages.
Ces bords du dieu du vin n’offrent point les présents,
De ses dons nourriciers Cérès couvre ses champs ;
Mais s’arrêtant bientôt dans l’enceinte sacrée,
Du couvent à Bacchus elle cède l’entrée.
Là son règne finit ; là le dieu des buveurs
Aux enfants de Bernard prodigue ses faveurs,
Et d’un vin dont reluit leur figure rougie
Il dote abondamment leur messe et leur orgie.
Là des groupes de fleurs s’élevant à-la-fois,
De la vigne rampante envahissent les droits.
La Seine les sépare, et son onde incertaine
De Flore et de Bacchus partage le domaine.
De vingt isles plus loin l’aspect toujours nouveau
Frappe l’œil enchanté d’un mobile tableau ;
Un fleuve seul les forme et ses eaux tributaires
Baignent d’un bois voisin les ombres solitaires.
Le ciel de ses faveurs enrichit ces beaux lieux :
Ils lui doivent encore un don plus précieux ;
Voltaire y dort : sa cendre a fait toute leur gloire,
Et d’un couvent obscur consacre la mémoire.