Aller au contenu

Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
421
SUR LA CAUSE DES VENTS.

température, peut être beaucoup plus grande que les philosophes ne paraissent le croire communément. Je ne prétends point adopter sur ce sujet tous les préjugés vulgaires : mais l’action de la lune sur la mer étant fort supérieure à celle du soleil, de l’aveu de tous les savans, on est forcé, ce me semble, d’avouer aussi que l’action de cette planète sur notre atmospère est très-considérable, et qu’elle doit être mise au nombre des causes capables de produire dans l’air des changemens et des altérations sensibles.

À l’égard de la nature de la force que le soleil et la lune exercent, tant sur la mer que sur l’atmosphère, et de la quantité précise de cette force, c’est à Newton que nous en devons la découverte. Ce grand philosophe, après avoir démontré que toutes les planètes pèsent vers le soleil, et que la lune pèse vers la terre, a fait voir d’une manière invincible, que la gravitation de ces corps ne pouvait être attribuée à l’impulsion d’aucun fluide : d’où il a conclu qu’elle était réciproque, c’est-à-dire, que non-seulement le soleil tendait vers la terre, mais encore que la terre et toutes ses parties tendaient à la fois vers le soleil et la lune. Or comme ces deux astres changent continuellement de situation par rapport aux différens points de la terre, il n’est pas difficile de concevoir que l’air et la mer dont ils attirent les particules, doivent être dans un mouvement continuel.

La plupart des physiciens n’ayant point pensé à cette cause générale des vents, en ont imaginé d’autres. Les uns ont prétendu que l’air qui se meut avec la terre, d’occident en orient, devait sous l’équateur tourner moins vite que la terre ; et c’est par là qu’ils ont expliqué le vent d’est continuel qui souffle entre les tropiques. Mais cette hypothèse est sans aucun fondement ; car si la terre se mouvait plus vite que la couche d’air qui lui est contiguë, le frottement continuel de cette couche contre la surface du globe rendrait bientôt sa vitesse égale à celle de la terre : par la même raison, la couche voisine de celle-ci en serait entraînée, et forcée à achever aussi sa rotation dans le même temps : ainsi l’adhérence et le frottement mutuel de toutes les couches obligeraient fort promptement la terre et son atmosphère à faire leur révolution en temps égal autour du même axe, comme si elles ne composaient qu’un seul corps solide.

D’autres auteurs ont attribué les vents à la chaleur que le soleil produit dans l’atmosphère. Selon ces auteurs, la masse d’air qui est à l’orient par rapport au soleil, et que cet astre a échauffée en passant par-dessus, doit avoir plus de chaleur