Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/109

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peu d’union que le corps des évêques a montré dans cette affaire ; s’en affliger pour l’honneur de l’épiscopat, et s’en réjouir pour le bien de la religion, Dieu n’ayant pas permis que le clergé en corps rendît à une société pernicieuse un témoignage authentique et unanime ? En effet, si l’institut de cette société est aussi édifiant, aussi respectable, aussi évidemment utile à l’Église, que ses défenseurs le prétendent, pourquoi les prélats consultés par le roi à ce sujet, tous remplis de lumière et de zèle, n’ont-ils pas opiné d’une manière uniforme sur une question si intéressante pour la religion ? pourquoi, parmi ceux qui ont réclamé pour les Jésuites, ne s’en est-il trouvé qu’un petit nombre qui aient eu le courage de confirmer leur avis par des écrits publics ? pourquoi, parmi les autres prélats qui n’avaient pas été consultés, n’y en a-t-il eu aussi qu’un petit nombre qui aient élevé leur voix en faveur de ces pères ? pourquoi la plupart des évêques qui ont gardé le silence laissent-ils apercevoir sans peine l’opinion peu favorable qu’ils ont de la société ? pourquoi quelques-uns de ceux qui se sont déclarés pour elle dans leur réponse au roi, ont-ils avoué qu’ils n’avaient fait en cela que se joindre à la pluralité de leurs confrères, et qu’ils savent très bien d’ailleurs à quoi s’en tenir sur les Jésuites ? pourquoi même plusieurs de ceux qui croient de bonne foi qu’il fallait les conserver, sont-ils persuadés qu’il fallait au moins les veiller de près, comme des hommes remuants et dangereux ? pourquoi après avoir lu les mandements des prélats apologistes de la société, est-on forcé de convenir que la plupart des passages d’écrivains jésuites, qu’on prétend avoir été falsifiés dans le recueil des assertions, sont encore très condamnables, même tels qu’ils sont rapportés par ces prélats ? pourquoi surtout, nous le disons avec douleur, démêle-t-on dans quelques uns de ces mandements un attachement secret aux maximes ultramontaines, tant reprochées à la société, et si odieuses à tout bon Français ? pourquoi, d’un autre côté, la plupart des prélats qui ont écrit contre les Jésuites, se sont-ils avisés si tard de faire éclater leur zèle en faveur de la saine doctrine ? pourquoi n’avaient-ils donné sur cet objet important aucun signe de vie, tandis que les Jésuites étaient encore puissants ? pourquoi ont-ils attendu que la société fût à terre pour l’écraser ? pourquoi même en est-il parmi eux qui avaient opiné en faveur des Jésuites, lorsque leur destruction était encore incertaine, et que le roi consultait à leur sujet le clergé de France ? par quelle inspiration ont-ils si subitement changé d’avis ? Encore une fois, monsieur, que de sujets pour ceux qui aiment la religion et ses ministres, de gémir tout à la fois et de se consoler !