quelles vous êtes prêts à vous égorger. Après leur avoir fait cette représentation, il les laissa prêcher tant qu’ils voulurent, persuadé que de tels apôtres ne pouvaient avoir de grands succès. Il profita d’ailleurs, pour l’utilité de son pays, du séjour des Jésuites, qui parlèrent beaucoup plus à la cour d’astronomie et de physique, que de trinité et de religion, et qui vinrent à bout de rendre les autres missionnaires ou suspects, ou méprisables.
Ce n’est pas qu’ils ne sussent très-bien s’exposer aux plus grands périls et à la mort même, pour la cause de cette religion qu’ils travestissaient en la prêchant, et qui ne servait que de moyen à leur ambition. Lorsque l’empereur du Japon jugea à propos, pour des raisons qui lui parurent indispensables, d’exterminer le christianisme de ses États, les Jésuites y eurent leurs martyrs comme les autres, et même en plus grand nombre. On n’en sera pas surpris quand on saura ce qui m’a été raconté par un homme très digne de foi. Il avait connu particulièrement un jésuite qui avait été employé vingt ans au Canada, et qui ne croyant pas en Dieu, comme il en convenait à l’oreille de cet ami, avait affronté vingt fois la mort pour la religion, qu’il prêchait avec succès aux sauvages. Cet ami représentait au jésuite l’inconséquence de son zèle : Ah ! répondit le missionnaire, vous n’avez pas d’idée du plaisir qu’on goûte à se faire écouter de vingt mille hommes, et à leur persuader ce qu’on ne croit pas soi-même.
Tel est l’esprit de la méthode que les Jésuites ont suivie pour enseigner avec succès aux hommes ce qu’ils appelaient la religion et la morale chrétienne. Telle est la doctrine mitigée qu’ils prêchaient à la cour de Louis XIV, et par le moyen de laquelle ils parvinrent à s’y rendre si agréables. Aussi est-ce principalement sous le règne de ce prince que la puissance, le crédit et l’opulence des Jésuites ont reçu en France de prodigieux accroissements ; c’est sous ce règne qu’ils sont parvenus à rendre le clergé dépendant d’eux, on peut dire même leur esclave, par la feuille des bénéfices, dont les pères de La Chaise et Le Tellier, confesseurs du roi, furent chargés successivement ; c’est sous ce règne qu’ils sont parvenus, en conséquence du besoin que les évêques avaient d’eux, à extorquer, même en les bravant, leur confiance, ou l’apparence de leur confiance, et à se faire donner la direction de plusieurs séminaires, où la jeunesse destinée à l’église était élevée dans leur doctrine et dans la haine de leurs ennemis ; c’est sous ce règne qu’ils sont parvenus, en décriant ou avilissant les autres ordres et les ecclésiastiques séculiers, à envahir un grand nombre de collèges, ou du moins à obtenir la permission d’en établir de nouveaux ; c’est sous ce règne