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LETTRES À M. ***,

CONSEILLER AU PARLEMENT DE *****,

POUR SERVIR DE SUPPLÉMENT À L’OUVRAGE PRÉCÉDENT, QUI LUI EST DÉDIÉ.




PREMIÈRE LETTRE[1].


1er. décembre 1765.


Votre nom, monsieur, a été pour mes lecteurs un sujet de conjectures et de questions ; on a demandé quel était ce magistrat inconnu et philosophe, également ennemi des fanatiques de toute espèce, également disposé à réprimer, et la persécution que voudraient exciter les partisans de la bulle, et le trouble que ses adversaires voudraient occasionner pour faire parler d’eux. On a successivement nommé les juges les plus recommandables par leur intégrité, par leur esprit et par leurs lumières ; on a dû, ce me semble, n’être embarrassé que du choix ; ce serait faire injure aux organes de la justice, qui doivent être sans préjugés et sans passion comme elle, de supposer qu’il y en ait un seul qui ne voie pas du même œil que vous, nos misérables disputes théologiques ; qui prenne parti dans les querelles de religion, au lieu de s’occuper à les faire rentrer dans le néant, et qui ne témoigne pas également aux controversistes de toutes les sectes le mépris dont ils sont si dignes. Si par malheur il se trouvait quelque magistrat assez au-dessous de sa place, de sa nation et de son siècle, pour se déclarer aujourd’hui partisan de Molina ou de Quesnel, du missionnaire Vincent de Paul ou du diacre Pâris, ce ne pourrait être tout au plus que quelque juge de village, congréganiste ou convulsionnaire ; il ne saurait y avoir de tels hommes dans les tribunaux éclairés.

Aussi j’ai eu la satisfaction de voir, monsieur, que les membres

  1. Cette lettre était écrite avant la fin de l’année 1765 ; différentes circonstances ont empêché qu’elle ne parût plus tôt. On craint même qu’elle ne vienne aujourd’hui trop tard, car les Jésuites sont déjà presque oubliés ; mais comme elle contient quelques vérités utiles, et par conséquent toujours bonnes à dire en tout temps, on s’est déterminé à la donner, au risque d’avoir assez peu de lecteurs.