que l’auteur de l’ouvrage qu’ils avaient loué était aveugle (Vauvenargues), et que le copiste ou l’imprimeur pouvaient, à son insu, avoir inséré dans son livre le passage en question. Voilà pourquoi les journalistes ne l’y avaient pas vu, ou pourquoi l’ayant vu, ils avaient gardé le silence.
Autre exemple de leur équité. Vous savez, monsieur, car la chose a fait assez de bruit, de quelle manière on a traduit dans l’Encyclopédie (article Autorité politique) le fameux passage de S. Paul sur les puissances : non est potestas nisi à Deo ; quæ autem sunt à Deo ordinatæ sunt. On a prétendu dans ce dictionnaire que la virgule devait être après Deo, et non après sunt. Le vrai sens de ce passage, a-t-on dit, n’est pas et ne saurait être, que toute puissance, quelle qu’elle soit, vient de Dieu ; car apparemment la puissance des usurpateurs qui arrachent les sujets à leur prince légitime, ne vient point de l’Être suprême, et celle de l’Antéchrist, qui sera pourtant très grande, en viendra moins encore ; quel raisonnement d’ailleurs, et quel sens même peut-il y avoir à faire dire à S. Paul : Il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; or, toutes les puissances qui existent sont établies par Dieu. N’est-ce pas faire répéter à l’apôtre deux fois la même chose, et une chose fausse dans sa généralité ? Est-ce avec cette justesse et cette précision que le St.-Esprit s’explique dans les Écritures ? Le sens du passage est donc, qu’il n’y a de puissance légitime sur la terre que celle qui vient de Dieu ; et que le caractère auquel on reconnaît qu’une puissance vient de Dieu, est que cette puissance soit bien ordonnée, c’est-à-dire, qu’elle ait le bon droit pour base, et l’équité pour principe ; une telle puissance est en effet la seule qui émane réellement du souverain Être, source et modèle de toute justice. Telle est, monsieur, la substance de l’interprétation des encyclopédistes ; je ne prétends nullement en garantir l’exactitude ; je laisse cet examen à de plus habiles que moi ; mais lisez, je vous prie, les magnifiques déclamations du journal de Trévoux contre la manière dont on a expliqué dans l’Encyclopédie cet endroit de l’Écriture ; déclamations si violentes, qu’elles furent alors, dit-on, la principale cause de la suppression du premier volume ; et puis, quand vous aurez lu et admiré toute cette belle diatribe du journaliste, lisez les Actes in-4o., de l’assemblée du clergé de 1765, page 11, vous verrez que, dans ces actes, le passage de S. Paul est traduit et ponctué suivant le sens qu’on lui donne dans l’Encyclopédie, et vous demanderez ensuite au journaliste ce qu’il pense de l’interprétation épiscopale. J’ai quelque pitié, je l’avoue, de l’embarras que lui donnera cette question.