Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/483

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oliere ; & ils le demandent, parce que Corneille, Racine & Moliere sont morts ; ils n’auraient eu garde de faire la question du vivant de ces Grands Hommes, dont le premier est mort pauvre, le second dans la disgrace, & le troisieme presque sans sépulture.

Christine

On pourrait, ce me semble, repéré représenter l’Envie, égorgeant d’une main un Génie vivant, & de l’autre offrant de l’encens à un Génie qui n’est plus. Mais laissons-là ces hommes si zélés pour honorer le mérite, à condition qu’il n’en saura rien ; & ne parlons que de ce qui vous concerne. Si l’on a eu le tort de vous avoir oublié long-temps, il semble qu’on veuille aujourd’hui réparer cet oubli d’une Manière éclatante. Savez-vous qu’on vous élève actuellement un Mausolée ?

Descartes

Un Mausolée, à moi ! La France me fait beaucoup d’honneur : mais il me semble si elle m’en jugeait digne, elle aurait pu ne pas attendre cent vingt ans après ma mort.

Christine

Vous faites vous-même bien l’honneur de la France, mon cher Philosophe, en croyant que c’est elle qui pense à vous élever Un monument. Elle y songera bientôt fans doute, & il s’en offre une belle occasion car on reconstruit actuellement avec la plus grande magnificence l’Église où vos cendres ont été apportées ( I ), & il me semble qu’un monument à l’honneur de Descartes décorerait bien autant cette Église, que de belles orgues ou une belle sonnerie (1). Mais en attendant, on vous érige un Mausolée à Stockolm, dans le pays où vous avez été mourir. C’est à un jeune Prince, qui regne aujourd’hui sur la Suede, que vous avez cette obligation. Je n’ai point eu, comme vous savez, l’ambition de me donner un héritier ; mais que j’aurais été empressé d’en avoir, si j’avais pu espérer que le Ciel m’accordât un tel Prince pour fils ! Je m’interesse vivement à lui par tout ce que j’entends dire de ses lumieres, de ses connois