Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/114

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vrai, leur a-t-on répondu, que les Anglais et le roi de Prusse ne sont pas philosophes.

À propos de ce roi de Prusse, le voilà pourtant qui surnage ; et je pense bien comme vous, en qualité de Français et d’être pensant, que c’est un grand bonheur pour la France et pour la philosophie. Ces Autrichiens sont des capucins insolents qui nous haïssent et nous méprisent, et que je voudrais voir anéantis avec la superstition qu’ils protègent : je parle, comme vous, de la superstition, et non pas de la religion chrétienne, que j’honore comme les sociniens honteux de Genève honorent son divin fondateur. Voilà encore le socinien Vernet qui vient d’imprimer deux lettres contre vous et moi ; il ne m’a pas été possible de les achever ; cela est d’un style et d’un goût exécrables. Ne pourrait-on pas pourtant donner sur les oreilles à ce prestolet ; mais il faudrait avoir, pour cela, ce qui a été écrit contre lui en Hollande et ailleurs, au sujet de son catéchisme ; et puis il faudrait avoir du temps de reste pour lire toutes ces rapsodies, et pour en écrire d’autres sur celles-là ; et ni vous ni moi n’avons du temps à perdre.

Avez-vous entendu parler d’une nouvelle feuille périodique intitulée : la Renommée littéraire, où l’on dit que vous êtes assez maltraité ? Que de chenilles qui rongent la littérature ! par malheur ces chenilles durent toute l’année, et celles des bois n’ont qu’une saison. On dit que l’auteur de cette infamie, que je n’ai pas eu le temps ni le courage de lire, est un certain Le Brun, à qui vous avez eu la bonté d’écrire une lettre de remerciement sur une mauvaise ode qu’il vous avait adressée. Je me souviens que, dans cette ode, il y avait un vers qui finissait par les lauriers touffus : une femme avec qui je lisais cette ode trouva l’épithète singulière : Je la trouve comme vous, lui dis-je ; je ne crois pourtant pas que ce soit une faute d’impression. Les lauriers de M. Le Brun se contentent de rimer à touffus, mais ne le sont pas.

Laissons là toutes ces vilenies, et dites-moi où vous en êtes de Corneille, du Czar et d’Olympie. À propos, on dit que vous serez obligé de changer le titre de cette dernière pièce, à cause de l’équivoque, ô l’impie ! Et puis dites que nous ne sommes pas plaisants ?

Il paraît que l’affaire des Calas prend une tournure assez favorable ; cependant ces pauvres gens-là ont bien des ennemis, et on écrit de Toulouse que les absous sont coupables, mais que le roué n’était pas innocent. Pour moi, je suis persuadé, comme vous, que cette malheureuse famille a été victime des pénitents blancs. Croiriez-vous qu’un conseiller au parlement disait, il y