Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/124

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qu’il n’est pas long. Jean-George n’a pas répondu à la réplique qui, en effet, était un peu embarrassante pour un sot et pour un fripon à qui on prouve géométriquement qu’il n’est pas autre chose. Sa réponse sera apparemment pour la prochaine instruction pastorale. Vous m’accusez d’enfouir mes talents, parce que je n’ai pas donné les étrivières, comme je le pouvais, à ce fanatique Aaron ; prenez-vous-en au peu de sensation que sa rapsodie a faite à Paris. C’était lui donner une existence que de l’attaquer sérieusement ; car, dans la position où je suis, je ne pouvais l’attaquer que de la sorte, et des plaisanteries auraient mal réussi, surtout après les vôtres. Au reste, ne m’accusez point, mon respectable patriarche, de ne pas servir la bonne cause ; personne peut-être ne lui rend de plus grands services que moi. Savez-vous à quoi je travaille actuellement ? à faire chasser de Silésie la canaille jésuitique, dont votre ancien disciple n’a que trop d’envie de se débarrasser, attendu les trahisons et perfidies qu’il m’a dit lui-même en avoir éprouvées durant la dernière guerre. Je n’écris point de lettres à Berlin, où je ne dise que les philosophes de France sont étonnés que le roi des philosophes, le protecteur déclaré de la philosophie, tarde si longtemps à imiter les rois de France et de Portugal. Ces lettres sont lues au roi qui est très sensible, comme vous le savez, à ce que les vrais croyants pensent de lui ; et cette semence produira sans doute un bon effet, moyennant la grâce de Dieu qui, comme dit très bien l’Écriture, tourne le cœur des rois comme un robinet. Je ne doute pas non plus que nous ne parvinssions à faire rebâtir le temple des Juifs, si votre ancien disciple ne craignait de perdre à cette négociation quelques honnêtes circoncis qui emporteraient de chez lui trente ou quarante millions.

Marmontel, dans son discours à l’Académie, a parlé de vous comme il le devait, et comme nous en pensons tous. Je me flatte comme vous que c’est une acquisition pour la bonne cause. Petit à petit l’église de Dieu se fortifie.

Je ne connais point l’ouvrage de du Marsais dont vous me parlez. S’il est en effet aussi utile que vous le dites, je prie Dieu de

    jointes, et qui, à la vérité, n’y ajoutent rien de plus. Quoi qu’il en soit, je vois, par votre lettre, combien votre libraire a été peu attentif à vos ordres, puisqu’il m’a expressément écrit que vous l’aviez chargé d’envoyer votre mandement à tous les membres de l’Académie Française. Vous voyez bien, monseigneur, qu’il était nécessaire de vous avertir de cette petite méprise, dont je ne suis d’ailleurs nullement blessé, non plus que de l’insulte. J’espère qu’au moins en cela vous ne me trouverez pas mauvais chrétien. C’est dans ces dispositions que j’ai l’honneur d’être, monseigneur, etc.