Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/125

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donner à l’auteur, dans l’autre monde, un lieu de rafraîchissement, de lumière et de paix, comme s’exprime la très sainte messe. Mais ce que je connais, et ce qui m’a fait très grand plaisir, ce sont deux jolis contes qui courent le monde, et qui seront, à ce qu’on m’assure, suivis de beaucoup d’autres. Que le Seigneur bénisse et conserve l’aveugle très clairvoyant à qui nous devons de si jolies veillées ! puisse-t-il faire longtemps de pareils contes, et se moquer longtemps de ceux dont on nous berce ! Il y aurait encore bien d’autres choses dont il pourrait se moquer s’il le voulait ; mais il a (car je suis en train de citer l’Évangile) la prudence du serpent, et peut-être aussi la simplicité de la colombe, en croyant de ses amis des gens qui n’en sont guère. Après tout, il est bon que la philosophie fasse flèche de tout bois, et que tout concoure à la servir, même les parlements, qui ne s’en doutent pas, et quelques honnêtes gens qui la détestent ; mais qui, tout en la détestant, lui sont utiles malgré eux.

Qu’importe de quel bras Dieu daigne se servir !

Adieu, mon cher maître ; je vous embrasse.


Paris, 15 janvier 1764.


Ce que j’ai d’abord de plus pressé, mon cher et très respectable maître, c’est de justifier frère Hippolyte Bourgelat, qui, comme je m’en doutais bien, n’est point coupable, ainsi que vous le verrez par la lettre qu’il m’a écrite à ce sujet, et dont je vous envoie copie. J’espère que M. Galatin échappera aux griffes des vautours et que je pourrai lire enfin cette tolérance dont nosseigneurs de la rue Plâtrière, qui ont presque autant d’esprit que nosseigneurs du parlement, me privent avec une cruauté intolérable. La vérité est que ceux qui ont lu le livre ne se soucient guère qu’on le lise, et que les fanatiques qui en ont eu vent craignent qu’il ne soit lu. Voilà la solution du problème que vous me proposez sur le calcul des probabilités.

Si je n’avais pas donné du monseigneur à Jean-George, il aurait fait imprimer ma lettre, et mis contre moi tous les monseigneurs et les monsignori de l’Europe ; mais un évêque s’appelle monseigneur comme un chien citron. Le point essentiel, c’est d’avoir prouvé à monseigneur qu’il est un sot et un menteur ; c’est ce que je me flatte d’avoir démontré. Quoi qu’il en soit, je vous promets, s’il m’écrit encore, de l’appeler mon révérend père ; et de l’avertir qu’il a eu moi un fils bien mal mo-