Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réussi : je n’en sais pas plus là-dessus que le public, qui pourrait bien n’en rien savoir. Dès que Duclos sera de retour, je lui donnerai votre mémoire ; au reste, je vous avertis que l’homme qui bat sa femme et qui est espion de la police, est protégé au-delà de tout ce que vous pouvez croire, et que la personne de France la plus respectable après le maître, lui a sauvé, en dernier lieu, le For-l’Évêque ou Fort-l’Évêque, qu’il avait mérité pour je ne sais quelle impertinente nouvelle.

Priez Dieu pour l’âme de l’archidiacre Trublet, mort à Saint-Malo le 14, après avoir porté l’aumusse pendant quatre ans avec grande édification. Son Journal chrétien a dû lui faire ouvrir les deux battants du paradis. J’espère que nous aurons Saint-Lambert à sa place, et qu’il pourra nous consoler de cette perte.

Priez Dieu surtout, mon cher ami, pour ma pauvre tête, car je n’en ai plus ; il ne me reste qu’un cœur pour vous aimer, et une plume pour vous le dire.


Paris, 12 avril 1770.


M. Duclos est arrivé, il y a dix ou douze jours, mon cher et illustre maître : je n’ai rien eu de plus pressé que de lui donner le mémoire sur le sieur Royou. Il m’a demandé un peu de temps pour faire des informations ; et c’est ce qui a retardé tant soit peu la réponse que je vous dois à ce sujet. Il s’est donc informé à différentes personnes de Bretagne qui sont à Paris, et qui lui ont toutes assuré que ce Royou est, à la vérité, un homme de beaucoup d’esprit, mais un très mauvais sujet. On a dû écrire, il y a quelques jours en Bretagne, pour avoir plus de détail, et on attend la réponse dont je ne manquerai pas de vous faire part. En attendant, M. Duclos, qui me charge de vous faire mille compliments et remerciements de votre confiance, vous exhorte à aller, comme on dit, bride en main et à ne pas vous intéresser pour ce Royou, avant que de savoir s’il en est digne. Vous n’ignorez pas, sans doute, que notre confrère était allé à Saintes pour négocier avec M. de La Chalotais qui n’a voulu entendre à rien, et qui ne demande qu’à être jugé et à retourner à ses fonctions. Voilà l’affaire de M. le duc d’Aiguillon entamée ; elle pourrait devenir très sérieuse, mais elle pourrait bien aussi n’aboutir à rien, comme il n’arrive que trop dans ce drôle de pays.

Le libraire Panckoucke, qui voit toujours ses cent mille écus en l’air, par la déconfiture de l’Encyclopédie, se propose d’aller incessamment vous rendre ses hommages. C’est un honnête garçon dont je crois que vous serez content, quoiqu’il ait fait, pendant quelque temps, comme vous le lui avez dit, la litière de