Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/232

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ouvrage ; je répondis en écrivant sur le frontispice, justice, justesse, savoir, clarté, précision, goût, élégance et noblesse. Bertrand se flatte que Raton aura été de son avis ; et sur ce, il embrasse tendrement Raton, et le conjure de pisser et de ne faire autre chose.

On assure que Pompignan est auteur, dans les Trois siècles, de l’article de Raton, que Bertrand n’a point lu, et, ce qui est plus plaisant, de son propre article à lui Pompignan. Savatier l’avait fait, et l’avait montré à Simon Le Franc. Simon Le Franc n’a pas été content, et a pris le parti de s’en charger.


Paris, 6 avril 1773.


Mon cher et ancien et respectable ami, j’ai fait part de votre lettre à tous ceux qui en sont dignes ; ils en ont baisé les sacrés caractères, et souhaitent de les baiser longtemps ; et ils espèrent que la Providence, quoique ce meilleur des mondes possibles ait si souvent à s’en plaindre, ne les frustrera pas de cette espérance. Pour moi, elle fait toute ma consolation, et il ne me restera quelque courage, que tant que les lettres et la philosophie vous conserveront.

J’attends, avec grande impatience, le recueil dont vous me parlez. Vous pourriez me le faire parvenir par une des voies dont vous vous êtes servi pour m’envoyer les paquets de l’avocat Belleguier. Je suis très fâché que Cramer ait inséré dans cette collection mon dialogue de Descartes et de Christine : c’est mal connaître mes intérêts, que de me mettre à côté de vous. Ce qui me console, c’est qu’il est question de vous dans ce dialogue ; car je ne sais par quelle fatalité vous vous trouvez toujours au bout de ma plume. Je n’ai presque point fait d’article, dans mon Histoire de l’Académie, où je n’aie eu occasion soit de parler de vous comme j’en pense, soit de vous citer en matière de goût. Je ne sais si cette rapsodie paraîtra jamais ; mais, comme je suis très résolu d’y dire la vérité, sans attaquer d’ailleurs les sottises reçues, je vous promets qu’elle ne sera pas imprimée en France. C’est bien assez de me châtrer moi-même à moitié, sans qu’un commis à la douane des pensées vienne me châtrer tout-à-fait. Vous savez que la destruction des chats est la besogne des chaudronniers. Ne trouvez-vous pas qu’on traite les gens de lettres comme des chats, en les livrant, pour être châtrés, aux chaudronniers de la littérature ? or le pauvre Bertrand pense comme Raton, et ne veut pas être livré aux chaudronniers.

Je suis persuadé, sur votre parole, que je serais content de la page 8 de votre épître dédicatoire des Lois de Minos. Cette