Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/37

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italiens dont la musique est excellente ; c’est en vérité une langue dont nous n’avions point l’idée, que cette musique ; mais c’est une langue expressive, pleine de vivacité, presque toujours vraie et bien plus vivement que la nôtre. Cela est près de faire un schisme dans l’Opéra, comme les billets de confession dans l’Église. Adieu, madame ; croyez que le temps ni l’absence ne diminueront rien du respectueux attachement que je vous ai voué pour toute ma vie.


À LA MÊME.


Paris, 22 décembre 1752.


Voilà, madame, un bien gros paquet qui ne vous dédommagera guère de ce qu’il vous coûtera de port ; mais puisque vous voulez avoir mes lettres et celles de M. d’Argens sur la proposition que le roi de Prusse m’a faite, les voilà : je vous prie de me les renvoyer quand vous n’en aurez plus affaire. Le bruit commence à se répandre ici que j’ai refusé cette présidence ; une personne que je connais à peine, me dit hier qu’elle en avait reçu la nouvelle de Berlin ; je lui répondis que je ne savais pas ce qu’elle me voulait dire. Après tout, que cela se répande ou ne se répande pas, je n’en suis ni fâché ni bien aise : je garderai au roi de Prusse son secret, même lorsqu’il ne l’exige plus ; et vous verrez aisément que mes lettres n’ont pas été faites pour être vues du ministère de France. Je suis bien résolu de ne lui pas demander plus de grâces qu’au ministère du roi de Congo, et je me contenterai que la postérité lise sur mon tombeau : Il fut estimé des honnêtes gens, et est mort pauvre parce qu’il l’a bien voulu. Voilà, madame, de quelle manière je pense : je ne veux ni braver, ni aussi flatter les gens qui m’ont fait du mal, ou qui sont dans la disposition de m’en faire, mais je me conduirai de manière que je les réduirai seulement à ne me pas faire de bien. Vous trouverez dans l’ouvrage que je vais donner, des choses vraies et hardies, mais sages : j’ai surtout évité d’y offenser personne, mais j’ai peint nos ridicules et nos mœurs, surtout celles des Mécènes, avec la franchise d’un soldat qui sait mal farder la vérité. Vous recevrez vraisemblablement mes opuscules vers le 15 du mois prochain : je compte que l’impression sera achevée dans quinze jours, et je ne perdrai pas de temps pour vous les faire parvenir par la voie que vous m’indiquerez.

Votre lettre m’a fait d’autant plus de plaisir, qu’elle me fait