Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/85

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plaît, riez-en tout seul, et n’allez pas en écrire à Paris, comme vous avez fait de ce que je vous ai mandé au sujet des parrains de l’archidiacre. L’abbé d’Olivet me dit, l’autre jour, à l’Académie, d’un ton cicéronien : Vous êtes un fripon : vous avez écrit à Genève que j’avais molli dans l’affaire de Trublet. Je niai le fait, à la vérité assez faiblement. Il me répondit qu’il en avait la preuve dans sa poche, et je ne lui demandai point à la voir, je craignais d’être trop confondu. Peu m’importe d’avoir des tracasseries avec d’Olivet et même avec d’autres ; mais il vaut encore mieux n’en pas avoir. C’est pourquoi si vous voulez savoir les nouvelles de l’école, promettez-moi que vous ne me vendrez plus, et commencez par ne pas parler de ceci, même à d’Olivet.

Je suis sûr, au moins autant qu’on le peut être, que le surintendant de la reine a nommé Saurin ; mais il est vrai que je ne lui ai parlé que la veille de l’élection, et il se pourrait bien qu’avant ce temps-là il en eût servi un autre ; c’est ce que je ne sais pas assez positivement pour pouvoir vous l’assurer. Après tout, c’est ce qu’il est fort peu important d’approfondir ; par malheur, le vin et Trublet sont tirés, il faut les boire.

Nous recevons aujourd’hui l’évêque de Limoges qui ne sait pas lire, et Batteux qui ne sait pas écrire ; mais en revanche nous avons un directeur qui sait lire et écrire, qui s’en pique du moins. Je m’attends à un grand déluge d’esprit, et je crois qu’il faudra qu’on me tienne, comme à Rémond de Saint-Mard, la tête bien ferme. À lundi prochain la réception de l’archidiacre, qui évoquera sûrement l’ombre de Fontenelle, et à qui le directeur fera apparemment compliment sur ses bonnes fortunes ; car il prétend en avoir eu beaucoup par le confessionnal et par la prédication.

Nous avons encore une place vacante à l’Académie ; mais ce ne sera pas, je crois, pour Marmontel. M. le duc d’Aumont fait peur à ces messieurs. Vous devez juger par là qu’ils ne sont pas fort braves. Ainsi nous aurons eu sept places vacantes à la fois, et nous n’aurons pas choisi le seul homme qu’il nous convenait de prendre. Je ne ferai qu’en rire ( car il n’y a que cela de bon ), tant qu’ils n’iront pas jusqu’à l’avocat sans cause, auteur des Cacouacs ; car pour lors cela passerait la raillerie, et je pourrais bien les prier de nommer Chaumeix ou Omer à ma place, surtout si vous vouliez en même temps donner la vôtre à frère Berthier.

Je viens à Jean-Jacques, non pas à Jean-Jacques Le Franc de Pompignan, qui pense être quelque chose, mais à Jean-Jacques Rousseau, qui pense être cynique, et qui n’est qu’inconséquent et ridicule. Je veux qu’il vous ait écrit une lettre im-