Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/86

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pertinente, je veux que vous et vos amis vous ayez à vous en plaindre ; malgré tout cela, je n’approuve pas que vous vous déclariez publiquement contre lui comme vous faites ; et je n’aurai sur cela qu’à vous répéter vos propres paroles : Que deviendra le petit troupeau, s’il est désuni et dispersé ? Nous ne voyons point que ni Platon, ni Aristote, ni Sophocle, ni Euripide aient écrit contre Diogène, quoique Diogène leur ait dit à tous des injures. Jean-Jacques est un malade de beaucoup d’esprit, et qui n’a d’esprit que quand il a la fièvre. Il ne faut ni le guérir ni l’outrager.

À propos, j’oubliais de vous demander si vous avez reçu un mémoire que j’ai fait sur l’inoculation, et dans lequel je crois avoir prouvé, non que l’inoculation est mauvaise, mais que ses partisans ont assez mal raisonné jusqu’ici, et ne se sont pas douté de la question. Ce mémoire très clair, à ce que je crois, et très impartial, a été lu il y a six mois à une assemblée publique de l’Académie des sciences, et m’a paru avoir fait beaucoup d’impression sur les auditeurs. On vient d’imprimer dans une gazette, à la vérité assez obscure, qu’un médecin de Clermont en Auvergne, ayant inoculé son fils, le fils est mort de l’inoculation, et que le père est mort de chagrin. Ce fait, s’il est vrai, serait très fâcheux contre l’inoculation, quoiqu’au fond il ne soit pas décisif. Adieu, mon cher confrère ; je ne vous écrirai pourtant plus de l’Académie Française ; je crains qu’il ne faille dire bientôt de ce titre-là ce que Jacques Rostbif dit du nom de monsieur : Il y a trop de faquins qui le portent. Adieu.


Pontoise, 9 juillet 1761.


Jai reçu, mon cher philosophe, votre petit billet, en partant pour la campagne. Il est vrai que je suis un peu en retard avec vous ; prenez-vous-en à un gros livre de géométrie, tout plein de calculs, que je fais imprimer actuellement, et dont j’espère être bientôt débarrassé. Je ne sais pas de la part de qui vous m’avez envoyé le Grizel ; ce Grizel est un drôle de corps. Si Me. Huerne avait aussi bien plaidé, les rieurs auraient été pour lui ; mais ni Me. Huerne, ni Me. Le Dain, ni Me. Omer, ne sont faits pour avoir les rieurs de leur côté. Les jésuites même ne les ont plus depuis qu’ils se sont brouillés avec la philosophie ; ils sont à présent aux prises avec les pédants du parlement, qui trouvent que la société de Jésus est contraire à la société humaine, comme la société de Jésus trouve de son côté que l’ordre du parlement n’est pas de l’ordre de ceux qui ont le sens