Aller au contenu

Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Faits, qui n’ont eu de Réalité que dans le Cerveau des Poëtes, à qui il eſt permis de feindre, d’inventer, & de déguiſer le Vrai[1].

Il eſt encore bien des Croïances populaires, bien des Traditions anciennes, qui n’ont d’autre Fondement, que l’Imagination des Peintres. Dans les Tems d’Ignorance, & depuis le neuvieme Siécle juſqu’au quinzième, il étoit peu d’Egliſes, de Moines, qui n’euſſent quelques Images, quelques Effigies de Saint, qui opéroit des Choſes miraculeuſes. Ces ſortes de Tableaux étoient les Revenus les plus certains & les plus liquides des Couvens & des Monaſteres. La Raiſon & la Science, qui reparurent après avoir été ſi longtems perdues, firent ſur les prétendus Miracles le même Effect que la Venue du Meſſie ſur les Oracles. Elles les détruiſirent, & la plûpart des Gens, ouvrant les Yeux, & apercevant leur Crédulité & celle de leur Peres, furent entiérement guéris de leur Erreur. Il reſta, cependant, encore bien des Perſonnes dans leur ancienne Opinion, ſoit qu’ils ne vouluſſent point apperce-

  1. · · · · · Pictoribus atque Poëtis Quidlibet audendi ſemper fuit aque poteſttas.

    Horat. de Arte Poët. Verſ. 9, 10.