Page:D’Argens - La philosophie du bon sens.djvu/160

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d’une Montagne, & de celle de l’Or, nous en concevons un troiſieme Idée, qui nous repréſente une Montagne d’Or.

Nous n’avons donc, Madame, aucunes Idées dans l’Entendement, que celles qu’y ont été produites par la Voïe de la Senſation, ou par celle de la Réfléxion : en ſorte que, par la Senſation, nous avons plus ou moins d’Idées ſimples, ſelon que les Objets extérieurs, qui frappent nos Sens, en fourniſſent à notre Entendement ; un Sourd aïant moins d’Idées qu’un Homme qui jouit de tous les Sens, puifqu’il n’a aucune Notion des Sons & un Aveugle & Sourd aïant encore moins d’Idées, puifqu’il n’en a aucune, ni des Couleurs, ni des Sons. De même, les Opérations de notre Eſprit, ou les Réflexions, nous fournirent plus ou moins d’Idées, ſelon que nous réfléchiſſons plus ou moins ſur les prémieres Idées que les Sens ont produit dans notre Entendement. C’eſt pourquoi nous voïons que les Enfans ſont long-tems avant d’avoir des Idées ou Notions formées par la Réfléxion, ou, ſi l’on veut, par les Opérations de l’Eſprit. C’eſt auſſi par la même Raiſon, que certaines Gens n’en con-