Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LE ROI

— Mes troupes manquent d’officiers, disait-il au bout d’un instant. Les Gascons savent obéir, mais leur faut de bons enseigneurs, fermes du jarret, qui sauraient partout les conduire, même au ciel, jusqu’às’y faire demander par Dieu Qui va là ! C’est ainsi qu’arrêté céans…

On comprenait. Le fantôme des guerres amené par le roi s’asseyait au bout de la table. L’assistance devenait sérieuse.

— Sire, murmurait le maître, il y a longtemps que je n’ai combattu.

— Harnais à neuf sont meilleurs. Vous n’avez pas le sang accouardi, vous ferez merveilles !

Parfois, on objectait la pauvreté. Le Béarnais, levé soudain, montrait son costume :

— Et moi ! Malgré mon nom de Bourbon, n’ai couru fortune que de ma vie ! Voyez mon accoutrement : je ressemble à un amoureux de Bretagne, mes chausses tirent par le bas !

On riait. Les petits eux-mêmes s’approchaient de ce grand jeune homme osseux et barbu qui semblait un boue, dont la voix était d’un maître. Le Gascon en saisissait un.

— Voilà un bel enfant jusqu’aux dents.

— Sire, disait la dame charmée, il sera plus tard à vos dévotions.

— Que le père commence ! riait le roi. Voyons le conseil que donnera l’enfant.

Il l’enfourchait sur sa botte.

— Où aimerais-tu mieux voir ton papa, derrière ses chiens de chasse ou à la guerre ?