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LE ROI

Le Gascon regarda les femmes d’un œil d’effroi. et d’amour ; c’était elles que Jeanne lui montrait jadis :

« À peine aurez-vous disparu d’ici qu’aussitôt portées à l’ouvrage ces ouvrières entreprendront sur les fils ce que leurs yeux perçants vous verront accomplir de bon et de mauvais, et aussi ce qui n’est ni bon ni mauvais. »

Il pâlit, se rappelant encore :

« Avant de vous quitter, mon fils, enfoncez-vous ce lieu, et gardez-en la mémoire : sont là rangées laines éclatantes, d’azur ou ténébreuses ; que vos faits, sur la trame, soient toujours contés en fils clairs. »

— Que disent de moi leurs œuvres ? songea-t-il ; qu’ont écrit de mes fautes ces trois voyantes ?

Il tourna les yeux.

Vision vermeille ! Dix autres tapisseries, rangées contre la muraille, magnifiaient la conquête, le duel contre les ligueurs, le triomphe définitif du « Roi ». Il y alla en chancelant.

La première représentait l’ordonnance de l’armée gasconne, composée des chevau-légers, des arquebusiers à cheval et des gens d’armes, avec les piquiers. En avant des nobles de sa somptueuse Cornette, le roi parlait à ses troupes, en corset de combat, grosses bottes, épée brunie, le béret planté sur l’oreille, gaillard, de bonne avenance, et sans autre vain ornement qu’un sourire large en la bouche. Une chaîne presque invisible, aux maillons formés par les phrases, s’exhalait de son go-