Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
LE ROI

ses malingres, ses femmes, ses petiots, Paris soudain s’était tu ; son silence fut l’adieu à sa douleur. Effacé dans l’ombre, les pieds et les mains froids, sans souffle, un dernier éclair de vie en ses yeux, le Gascon regardait l’horreur défiler. Ce qui fuyait la ville, c’était sa faiblesse. En longue colonne misérable, sous les torches des cavaliers, une foule de femmes s’en allaient, emportant entre leurs mamelles des enfants qui trouvaient à peine à sucer ; des êtres difformes les suivaient, bancals. et manchots, tristes fous, estropiés de l’âme et des membres, soldats fantômes chancelants sur leurs bâtons, des garçonnets en loques, toute une marmaille souffreteuse qui ne savait plus la couleur du pain et le son du rire, déchets de révolte, bouches inutiles qui épuisaient Paris sans l’aider. Non loin, un spectre, d’un geste émouvant, toujours le même, permettait à chacun le droit de gite, la nourriture, la liberté, la vie. Éperdu de pitié, ce geste s’élargit encore. Forcé par de violents mouvements, le Gascon accordait la fuite aux soldats, aux chefs, jusqu’à ses pires ennemis, commandant qu’ils fussent « humainement reçus en toutes villes où ils se voudraient retirer ». Il ne demeura dans Paris que les plus forts, les résistants, ceux qui pouvaient attendre, debout, la diversion libératrice. Alors la ville ressaisit ses armes, regarda du côté de Meaux, pardessus la bande gasconne, pour voir si les Espagnols arrivaient. Et ce fut à recommencer ; — tandis que sous le soleil dont la gloire couchante