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LE ROI

toutes ces clameurs n’ouvrent pas les portes.

Il vit à ses côtés le grave Rosny.

— Que ferais-tu à ma place ?

— Sire, je ne peux répondre, je crois.

— Et que ferais-tu, malgré ta foi ?

Une rumeur, à ce moment, roula au-dessus de Paris, plainte coutumière, long et sourd cri de faim. L’honnête protestant frissonna.

— Sire…

— Écoute ces échos ! (Le roi désignait Paris) Et après avoir entendu, que te vient-il au cœur, croyant ? Haine ou pitié ? Parle ! Que ferais-tu ?

Rosny n’hésita pas. — J’abjurerais au plus vite, murmura-t-il, je donnerais le bonheur au peuple, et j’attendrais le grand Jugement.

Il s’amincit, raide et pâle, comme si les langues de l’enfer léchaient déjà sa poitrine.

Le roi ne répondit pas d’abord il revoyait l’ancien drame, vision de ses vingt ans, la Saint-Barthélemy, sa tournée le soir du massacre, toute l’histoire du chapelet rompu dont les grains, un à un, tombant dans les plaies des morts, avaient emporté avec eux ses enfantines croyances. De ce soir-là, il avait douté. En butte aujourd’hui aux fureurs d’un pape, ces fulminations l’empêchaient d’entendre, il n’apercevait plus le ciel à travers ces torches, il ne croyait plus.

— Je reconnaîtrai, dit-il au bout d’un moment, l’obstacle d’opinions qu’il t’a fallu rompre pour me conseiller, toi protestant, de me convertir en