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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/39

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L’ENFANT

— Bois, disait le vieillard, de bon sein bon boire, jamais tu ne boirás si jeune ; hélas… tu boiras encore après moi.

Il fit lever la tête de la paysanne, et au milieu. du silence la regarda devant tous :

— Enfants deviennent gens, ma bonne. Celui que vous portez doit un jour prendre taille, reins et cœur de héros, et par surplus nous venger des injures d’Espagne : soignez-le donc de votre lait et de vos veilles, il sera votre récompense. Je vous ôte de vos champs, non pour qu’il soit élevé comme ces jeunes seigneurs trop caressés, mal appris et mal réglés, mais pour ce que je veux, dès son premier jour, qu’il se sente et reconnaisse alimenté, chéri, bercé par le gros peuple qui est le nourricier des forts, et qu’il n’oublie jamais, par ainsi, de lui rendre dans le futur, expressément et filialement, l’amour qu’il reçut des humbles au berceau. Donc, n’échauffez pas vos sangs de chimères, faites la promenade et buez vos langes en paix ; vous êtes ce qu’il nous faut à nous : une maîtresse paysanne. (Il lui mit la main sur l’épaule) Voilà qui ne sent ni la marée ni le sermon, ce n’est pas viande de carême, mais de la belle chair impériale. Notre fils ne sera pas Chicheface, et il vous faut faire de lui plus qu’un roi : un homme. C’est dit maintenant. Retirez-vous, mère, et allez faire téter le prince sous les ormeaux.


Après avoir pris au peuple ce qui allait être le