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LE ROI

fond, la base, la vie ultime du roi futur, le vieillard rêva un intermédiaire ; il désira corriger cette nourriture paysanne, ce lait opalin qui, quoique doux et sucré, charriait trop brutalement les muscles, le souffle et le fer ; il chercha la matière qui aiderait à se combiner ce lait de campagne et ce sang royal ; entre la paysanne et les nobles, il pensa qu’il serait heureux, peut-être, d’insinuer les vertus moyennes du pays, solides et pratiques, et ce tiers dans l’éducation, il le découvrit aussitôt dans cette société sobre et sédentaire, de souche classée, issue du peuple, mais distincte de lui, aux costumes étoffés, amples et sombres, aux bas de laine, aux souliers carrés comme les idées, gens à bon sens, de mœurs simples, à mines replètes, qui glissaient aux oreilles des grands, déjà, leurs conseils muets et anonymes, et dont les femmes étaient le portrait plus pur et affiné. Ce projet fut une cour de jeunes « bourgeoises », et la reine l’approuva.

Vinrent alors, des régions gasconnes, une trentaine de filles d’antiques maisons marchandes, aux mains compteuses, au pied preste, au nez bougeur, avec d’intelligentes étincelles sur la figure, dans les fossettes, sur l’arc des lèvres et à chaque coin d’œil. Toutes portaient le bonnet cornu : les Basquaises légères à la corne d’abondance renversée, faite de toile fine, aux rubans tortillés autour, des femmes de Bayonne coiffées d’une guimpe roulée en turban où saillait la corne aiguë, d’autres de Bordeaux, d’Agen, de Mont-