Aller au contenu

Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
LE ROI

— Votre vin est un clairet de deux ans qui a mûri sur de la gravaille.

C’est la vérité, dit le paysan.

Mais il vous faudra le garder du vent de bise qui pourrait lui pincer la fleur ; c’est du bon.


Peu à peu, sans se faire entendre, une demoiselette s’était arrêtée au seuil du jardin, curieuse, le pied sur une planche comme un rossignol sur un brin d’épine. L’enfant l’aperçut, ôta son béret.

— Je rentre la barrique, dit l’homme. Quand on n’en a qu’une ! La vendange, cette saison, s’est laissée griller par l’été.

— Et le blé aussi a faussé promesse.

— Tu es donc de la « terre », pour savoir ça ?

— Oui, dit l’enfant.

Il sourit à la fille. Un coq traversa l’enclos, ils lui jetèrent des cailloux. Elle s’assit, il s’assit. Elle devint rouge, il l’était déjà. L’homme, hâtif, prit sa herse et poussa la porte du dehors : « Adieu bien ! cria-t-il de loin, merci, vigneronnet ! » Les enfants l’écoutèrent partir. L’heure était coite ; et bientôt il n’y eut plus d’en vie, près d’eux, qu’une cropetonneuse vieille ensommeillée sur sa quenouille, un fil à son doigt pendant.

— Vous êtes de la ville ?

— Oh ! non. Je demeure, dit le garçon, plus de trois fois loin que d’ici Savoie.

— C’est beau, chez vous ?

— Oui. Y a un castel, une rivière, des haies