Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
LE ROI

emplit toutes les provinces du corps, les lointaines contrées des membres : « Je le tiens ! cria la brute, le maître n’est plus là, ruez-vous contre ce visage ! souillez-le ! » Projetés par ce cri, les vautours nerveux de la peur bondirent aux traits du prince et y implantèrent leurs griffes. Sous ces pointes aiguës, l’anémie hanta son regard, sa pupille grossit, le front se troubla de mille plissures, les mailles de la peau des joues se contractèrent, les oreilles frémirent, signes sauvages, et hideux, masqué de vieilles rides, les mâchoires découvertes dans l’attitude d’un chien qui fait voir ses dents et veut mordre, le malheureux prince épouvanté se sentit glisser de la selle… Mais déjà le corps se lassait ; la chair en lutte devinait que l’Esprit absent, que le maître en voyage se hâtait, qu’il allait, aussitôt rentré, rouvrir les chambres du cerveau, chasser, renvoyer la Moelle à ses œuvres basses ; et l’écoutant revenir, la haineuse, un moment encore, bouleversa la maison : « Au cloaque, insinua-t-elle, salissons le prince, et que sa conscience, au retour, se refuse à réintégrer cet égout ! » Dernière révolte. On lui obéit. Les centres nerveux, fatigués, envoyèrent leur courant languide, pesèrent à regret sur les intestins… — et la servantasse riait déjà, lorsque tout à coup, dans une gloire, maîtrisant la chair comme un dieu et ouvrant les portes du front, le seigneur souverain rentra. Tout se tut.

— Eh bien ! dit une voix soudaine, je vois à votre contenance, Monseigneur, que ce combat